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mercredi 11 janvier 2023

 

Consommer bien, mieux, durablement : qu’est-ce que cela signifie ?

 

Interview de Sylvie Bénard, Présidente de la Fondation AgroParisTech, publiée en janvier 2023 sur Leather Fashion Design.

 

La question de la consommation durable et responsable pèse de plus en plus sur les épaules du consommateur. C’est lui, qui, debout face à l’étalage, assommé sous la masse de labels, promesses et logos, doit faire le choix de ce qui est bon pour l’homme, respectueux de l’environnement et économiquement raisonnable pour son propre porte-monnaie. Ou du moins, c’est l’impression qu’il en a.

 

Pourtant, la question de la consommation se pose en amont, tout le long de la filière de production, transformation, et lors de la commercialisation du produit. En bref, la responsabilité est une affaire de tous. Plus personne ne se retrouvera perdu entre deux produits « verts », « écoconçus », et « panda-safe » sans être capable de démêler le vrai du faux, l’important du résiduel et le green-washing de la démarche honnête.

 

Sylvie Bénard, présidente de la Fondation AgroParisTech et membre actif du monde de la mode française, travaille tous les jours à la transformation du secteur.

Dans sa récente interview par Stéphanie Bui [ICI], elle offre une nouvelle vision de la politique RSE des entreprises de la mode et de leur insertion dans la filière.

 

Formation et information : à qui et comment redonner les outils du choix responsable ?

 

Lorsqu’il s’agit de développement durable, d’écoconception ou de choix éthique, la question de confiance entre les acteurs du secteur et de formation des décideurs au sein d’une entreprise devient primordiale. En effet, les Analyses de Cycle de Vie des produits, qui permettent d’établir leur bilan carbone et leur impact sur l’environnement, impliquent que chacun des décideurs au cours du cycle de vie a eu à un moment ou à un autre le choix entre différentes options.

 

Et si l’objectif est de réaliser le produit le plus respectueux de l’homme et de l’environnement, il n’y a alors pas d’autre possibilité que de former tous ces acteurs aux questions sous-jacente. Quels sont les impacts sur la biodiversité ? Sur le réchauffement climatique ? Comment discriminer une matière première obtenue dans le respect des droits humain de son double criminel ? Quels sont les enjeux, locaux, globaux ? A qui s’adresser ?

 

L’Académie de l’Environnement, mise en place chez LVMH depuis 2016, permet ainsi à ses collaborateurs et employés de réaliser une formation souhaitée complète autour des grands enjeux environnementaux et de leur importance lors de la prise de décision. Que chaque décideur soit conscient des conséquences des choix fournisseurs, collaborateurs et marketing, cela fait partie de la nouvelle démarche RSE lancée par Sylvie Bénard. Mais bien plus que d’informer sur les questions environnementales, il s’agit aussi de savoir démêler le vrai du faux, d’aller au-delà des clichés pour prendre une décision intelligente et critique.

Il ne suffit plus de se demander si l’approvisionnement doit se faire en coton bio par exemple, il faut faire le bilan entre un coton bio importé d’Afrique et un coton classique de France.

Enfin, la prise de décision doit être basée sur une donnée « sérieuse, fiable et objective, de la recherche scientifique ». Un tel recueil de données est réalisé par la Paris Good Fashion [publication en 2023] et l’association Climate Chance [rapport annuel].

 

Démarche RSE et innovation : à chaque entreprise SA solution.

« Depuis environ quatre ans, il ne s’agit plus de présenter une belle stratégie RSE destinée à la communication, mais de parvenir à changer le fonctionnement d’une entreprise : ses produits et son modèle économique pour intégrer, de manière concrète, les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux. ».

Interview de la présidente de la Fondation AgroParisTech « Développement durable : Sylvie Bénard bouscule le statu quo au sein des entreprises » de Leader Fashion.Design.

 

Il n’existe pas de solution unique. Puisque chaque entreprise travaille avec son propre réseau, en amont et en aval, il est impossible de reproduire une solution apportée à une entreprise, sur une autre. Ainsi, en plus de se baser sur des données critiques, objectives et complètes, la démarche RSE se doit d’être en constante adaptation. Cela demande des compétences multisectorielles, et une collaboration étroite entre le monde scientifique et l’industrie de la production. C’est la raison pour laquelle de nombreux ingénieurs issus de la formation agronome d’AgroParisTech poursuivent leur carrière directement dans le milieu de la mode, en vue d’« arriver à mêler la vision très créative apportée par l’IFM aux connaissances scientifiques ».

 

Toutefois, pour qu’une entreprise soit mise en contact avec des collaborateurs à même de coller avec sa démarche RSE, encore faut-il que l’innovation soit au rendez-vous.

 

Sur la question des emballages, la Chaire CoPack de la Fondation AgroParisTech travaille au développement de nouvelles alternatives éco-conçues et à la fluidification de ce nouveau marché au sein des filières.

Car si les initiatives sont nombreuses, elle ne sont pas toutes suffisamment visibles, ni suffisamment intégrées. Cette chaire vise aussi à mettre l’expertise scientifique au service de cette innovation et à la faire entrer dans la lumière pour restaurer la confiance entre le consommateur et la science.

 

 

Le produit comme mise en valeur d’une filière et non plus seulement comme une fin.

 

Finalement, la question n’est pas seulement celle de la consommation durable mais aussi de la production durable. L’enjeu est porté tout le long de la filière, raison pour laquelle les initiatives pour encourager la communication entre ses acteurs se multiplient.

 

Le groupe de travail de Paris Good Fashion sur la mode et l’agriculture régénérative démontre ainsi la prise de conscience du besoin mutuel existant entre les producteurs de matière première et les transformateurs. Pour pouvoir continuer à produire demain des jeans de qualité, il faut en effet se pencher aujourd’hui sur la gestion des sols. Comment garder un sol vivant sur le long terme ? Comment encourager une production à la fois respectueuse de l’écosystème et de l’exploitant ?

Replacer la question environnementale sur un pied d’égalité avec les enjeux humains et économiques, c’est aussi le travail de la Chaire Comptabilité Ecologique, qui travaille pour une comptabilité à durabilité forte, basée sur ces trois piliers.

L’idée est de mettre l’expertise comptable au service de la transition écologique et non plus en opposition. Et pour cela, elle cherche à mettre en lien les acteurs concernés, à sensibiliser sur l’importance de ce nouveau mode de comptabilité tout en continuant à la développer.

 

 

Alors, le consommateur est-il finalement seul face au rayon ? Pas complètement. Le choix final lui revient, bien sûr, ainsi qu’une part de la responsabilité, mais loin d’être un fardeau, cela relève d’une opportunité sans cesse renouvelée. Il peut en effet choisir de valoriser l’intégralité du travail qui a été réalisé en amont, par des entreprises souhaitant s’engager dans une démarche durable et ayant mis sur la table les moyens d’y parvenir : formations, RSE, travail de réseau, renouvellement des partenaires, groupe de travail, etc.

 

Dans une société en pleine transformation, il y a bien sûr encore une part d’erreurs, des labels incomplets ou des promesses mensongères. Pourtant, grâce au travail constant des acteurs concernés tels que Sylvie Bénard, les entreprises elles-mêmes ou les Chaires et leurs partenaires, cette ombre de doute tend à se réduire peu à peu.

 

Article rédigé par Alizé Baranger, étudiante-ambassadrice de la Fondation AgroParisTech.