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mardi 29 novembre 2022

Comment lutter contre la déforestation d’habitats d’orangs-outans ?

La Chaire Comptabilité écologique, soutenue par la Fondation AgroParisTech, a étudié la mise en place d’un outil d’alerte contre la déforestation avec l’ONG WWF-Indonésie, le SPD-PKL. La Fondation a soutenu une collaboration de recherche et d’enseignement de deux ans entre la Chaire et l’ONG : deux enseignants-chercheurs d’AgroParisTech et une quinzaine d’étudiants se sont rendus lors de deux missions collectives de terrain de trois semaines à Jakarta et à Central Kalimantan en mars 2019 et mars 2020. La Chaire vise à mettre les systèmes comptables au service d’une transition écologique.

 

 

Article rédigé par Alizé Baranger, étudiante-ambassadrice de la Fondation AgroParisTech, d’après le papier de Clément Feger, Alexandre Gaudin et Barano Siswa Sulistyawan.

 

La comptabilité « écosystème-centrée » : un nouvel outil pour la conservation de la biodiversité ?

Afin de prévenir et d’agir contre la 6ème extinction de masse, scientifiques et acteurs locaux ont besoin de plus en plus d’outils d’analyse. Ces outils ont pour objectif de les aider à répertorier, analyser et réagir. C’est dans ce cadre qu’est née l’idée d’envisager la gestion d’écosystèmes selon le système comptable, et non plus d’un point de vue uniquement technico-scientifique-économique.

C’est ainsi qu’est né le SPD-PKL (Sistem Perigatan Dini-Pengendalian Kawasan Lindung en Indonésien), un système d’alerte précoce contre la déforestation illégale.

Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Aux mois de mars 2019 et 2020, une équipe de deux enseignants-chercheurs d’AgroParisTech, accompagnés d’une quinzaine d’étudiants, se sont rendus respectivement à Jakarta et à Central Kalimantan (province indonésienne). Avec l’aide de l’équipe de WWF-Indonésie ils ont réalisé des travaux de recensement documentaire et d’analyse de données afin d’évaluer le modèle comptable. Leur étude s’est concentrée sur un cas critique de déforestation.

 

En effet, la zone du parc national de Sebangau abrite l’une des plus fortes populations d’orangs-outans de Bornéo (6 000 individus estimés).

 

Cependant, le réchauffement climatique et la montée des eaux menace les orangs-outans qui se verront contraints de migrer vers l’intérieur des terres. La préservation de la forêt, qui constitue un « corridor écologique » entre le parc naturel et les forêts intérieures, est donc un enjeu majeur de sauvegarde de la population locale. Le principal objectif de la mission était de tester l’outil d’analyse et d’estimer les limites de son efficacité. La démarche d’analyse se déroule en quatre étapes : reproblématiser, expliciter, enquêter et enrichir.

 

Reproblématiser – Il s’agit de considérer le travail déjà effectué et sa prise en compte dans les interventions et le système d’alerte actuel. Le recensement des activités menaçant la forêt (exploitations illégales, multiplication des plantations de palme, développement d’infrastructures de transport, etc.) s’accompagne du système de comptage. Ce dernier permet d’estimer et de modéliser les enjeux écologiques. Cela permet par exemple de prendre la population d’orang-outan en compte lors de l’établissement de nouveaux projets, au même titre que l’aspect économique ou de développement local.

 

Expliciter – Il s’agit ici de trouver comment ce nouvel outil comptable va être pris en compte, et appliqué, dans les politiques locales. Le projet se heurte ici à deux problèmes majeurs :

  • L’application des solutions envisagée ne se fait pas toujours avec la rationalité scientifique prévue ;
  • La plupart du temps, ce ne sont pas vraiment les instances publiques qui prennent les décisions mais bien des « parties prenantes » locales.

L’outil ne prend pas en compte l’historique des responsabilités locales liées à la déforestation, ni la densité socio-politique menant les décisions locales, et avertit sur un danger à venir, ce qui le décrédibilise quelque peu face à d’autres enjeux.

 

Enquêter et Enrichir – Ces deux dernières étapes tendent à déterminer l’efficacité concrète de l’outil, c’est-à-dire sa capacité à endiguer la déforestation.

 

Quelles limites ?

Afin d’être utilisé, l’outil doit prendre en compte la complexité du système juridique local, le contexte dans lequel se sont développées les économies autour de la forêt et les moyens limités à disposition pour le faire respecter. De plus, l’outil soulève la question de justice environnementale car il pourrait impacter la survie des populations locales qui ont besoin des espaces défrichés pour survivre.

 

La discussion avec les autorités locales a donc été ouverte afin de voir dans quel cadre pourrait s’appliquer l’outil.

En conclusion, le SPD-PKL fait partie de ces nouveaux outils d’analyse et d’intervention, développés pour résoudre des problèmes écologiques complexes. Cependant, leur développement et leur mise en place est souvent extrêmement complexe car il faut prendre en compte les cultures locales, les moyens limités à disposition, la juridiction plus ou moins claire pour pouvoir proposer un outil à la fois cohérent et applicable. C’est en prenant en compte la complexité des sociétés humaines et du monde du vivant que de telles solutions peuvent être trouvées.

 

 

Consultez l’article de Clément Feger, Alexandre Gaudin et Barano Siswa Sulistyawan : Feger_Gaudin_Sulistyawan_2021