lundi 21 juillet 2025
AgroSens : quand des étudiants d’AgroParisTech s’attaquent à l’insuffisance rénale avec un biosenseur innovant
Et si, dès la première année d’école, on pouvait travailler sur un projet de recherche concret, utile, et porteur d’impact ? C’est le pari fou qu’ont relevé 15 étudiants d’AgroParisTech, CentraleSupélec et de l’ENS Paris-Saclay avec AgroSens : un capteur connecté pour améliorer le quotidien des personnes atteintes d’insuffisance rénale. Une aventure qui prouve qu’il n’y a pas d’âge pour innover, entreprendre et faire avancer la science. Tout commence par un simple « et si ? »
Tout a commencé en 2022, quand Lisa Schmitt, étudiante passionnée de biotechnologies, découvre le concours international SensUs. Le concept ? Imaginer un biosenseur autour d’un enjeu de santé publique. Cette année-là, le défi porte sur la créatinine, un biomarqueur clé pour suivre les maladies rénales. Plutôt que de rester spectatrice, Lisa décide de passer à l’action. Elle imagine un capteur capable de suivre en continu l’état des patients, et non plus à coups de prises de sang épisodiques. Très vite, l’idée fait son chemin : former une équipe de choc et relever le défi. Elle fonde alors ParisBioTek, rassemble des étudiants d’AgroParisTech, de CentraleSupélec et de l’ENS Paris-Saclay, et embarque tout le monde dans une aventure un peu folle : créer un capteur innovant, utile, et qui pourrait vraiment faire bouger les lignes. Si l’organisation était un peu chaotique au début (comme tout ce qui commence avec de la passion !), l’association a su grandir, s’étoffer et se structurer. Aujourd’hui, elle compte plusieurs pôles : expérimental, électronique, communication, entrepreneuriat. Elle fédère une vraie équipe autour d’une vision claire : prouver que l’innovation est à la portée de tous ceux qui osent.
Quelle est la problématique à laquelle vous répondez avec ce projet ?
Guillaume Centene-Guglielmi: Aujourd’hui, quand on souffre d’insuffisance rénale chronique, il faut faire des prises de sang régulières et attendre les résultats. Ce n’est pas très pratique.
Nous, on s’est dit : et si on changeait ça ? On travaille sur un capteur portable, connecté, qui mesure la créatinine en continu. L’idée, c’est de pouvoir repérer les signaux d’alerte en temps réel, pour que les médecins puissent adapter les traitements tout de suite et que les patients reprennent un peu le contrôle sur leur santé. Moins d’attente, plus de réactivité, et surtout, une vraie avancée pour le confort de vie. Franchement, ça donne envie de se battre pour que ça marche, non ?
Comment s’est formée l’équipe autour du projet ? À quoi ressemble votre prototype ?
Guillaume Centene-Guglielmi: Dès le début, on savait qu’on ne pourrait pas construire ce capteur tout seuls. Alors, on est allés chercher des alliés : CentraleSupélec pour l’électronique, l’ENS Paris-Saclay pour les microfluidiques… et bien sûr AgroParisTech pour toute la partie biologie et enzymatique. On a monté une équipe ultra complémentaire de 15 étudiants, chacun avec son expertise. Et même si on ne parle pas tous le même langage scientifique, on a trouvé notre rythme : toutes les deux semaines, on se réunit pour faire le point, avec des slides pour que tout le monde puisse suivre, même ceux qui ont plus l’habitude des paillasses que des circuits imprimés !
Résultat ? Un prototype qui commence à avoir fière allure : un capteur enzymatique embarqué dans un circuit microfluidique, relié par Bluetooth à une application mobile.
Guillaume Centene-Guglielmi: Concrètement, on dépose un échantillon de liquide interstitiel ou sanguin dans la puce. L’échantillon traverse une zone de détection, une électrode recouverte d’un gel enzymatique, et le signal électrique généré est proportionnel au taux de créatinine. Le tout fonctionne sur une petite carte électronique autonome, rechargeable en USB-C.
Et aujourd’hui, où en êtes-vous dans le développement ?
Guillaume Centene-Guglielmi: L’an dernier, on a beaucoup exploré : bibliographie, contact d’experts, premières manipulations… mais on s’est retrouvés un peu en retard à l’approche du concours. Cette année, on a démarré plus tôt. On améliore la sensibilité et la stabilité du capteur, l’ergonomie de l’application, et on travaille à fiabiliser les mesures. Le prototype est fonctionnel mais encore perfectible d’ici le concours SensUs.
Justement, parlez-nous de SensUs ! Des projets pour l’édition 2025 ?
Guillaume Centene-Guglielmi : L’an dernier, c’était notre première participation. On était les seuls Français, face à des équipes internationales très expérimentées. On a présenté un prototype miniaturisé prometteur, mais avec des limites sur la détection. Ce concours, c’est bien plus qu’une compétition : c’est une semaine intense avec des pitchs, des démos, des échanges avec des chercheurs et des industriels. On a appris énormément en un an et cette année on revient avec un plan du tonnerre. On capitalise sur la miniaturisation réussie, et on se concentre sur l’amélioration du signal enzymatique. Le but, c’est de gagner en précision, de renforcer la fiabilité, et de peaufiner l’application.
Comment AgroParisTech et la Fondation vous ont-ils soutenus ?
Eva Legrand : On n’aurait jamais pu aller aussi loin sans soutien. La Fondation nous a donné deux coups de pouce majeurs via les jurys Créativité et Maturation : 500 €, puis 5 000 € et ça a tout changé. On a pu acheter du matériel, faire avancer le prototype, et surtout travailler dans de vraies conditions. Nos activités en laboratoire sont encadrées sous l’œil bienveillant de Vincent Sauveplane. Il nous permet d’avoir accès à une paillasse, à du matériel, à des conseils précieux. Et puis, il y a eu d’autres appuis clés : CentraleSupélec, l’ENS, l’Université Paris-Saclay, la Fondation de Haute-Joux… C’est tout un écosystème qui a cru en nous. Et franchement, ça donne des ailes.
Et après le concours ?
Eva Legrand : On ne compte pas s’arrêter là ! Certains veulent continuer dans la recherche, d’autres rêvent déjà de lancer une start-up. L’idée d’un patch connecté, capable de suivre plusieurs paramètres sanguins en continu, commence sérieusement à germer… Mais au-delà du capteur, cette expérience nous a fait prendre goût à l’innovation, au concret, à l’impact. On a compris qu’on pouvait allier science, utilité, et ambition. Et ça, ça ouvre plein de portes.
Un petit mot pour les étudiant·es qui hésitent à se lancer ?
Eva Legrand : Sérieusement. Oui, c’est intense. Oui, ça demande du temps, de l’énergie, et parfois un peu de galères. Mais on apprend à travailler en équipe, à transformer une idée en prototype, à pitcher, à gérer des imprévus… et à rebondir quand ça plante. Et surtout : on réalise qu’entrepreneuriat et recherche ne sont pas des mondes lointains. C’est accessible. Même dès la 1A. Alors, foncez !
Auteur de l’article :
Enzo Bertaut, étudiant AgroParisTech et ambassadeur de la Fondation AgroParisTech